Il existe une catégorie de joueurs qui attendent avec impatience la sortie d’un nouveau jeu signé Ron Gilbert. Ils lui doivent leurs meilleurs souvenirs sur des perles telles que les
Monkey Island ou bien
Zack McKraken et
Maniac Mansion. Nul doute qu’ils étaient nombreux à attendre la sortie de ce
Thimbleweed Park, kickstarté avec succès en 2014 et d’abord prévu pour l’été 2016, puis reporté. Certaines œuvres méritent que l’on trépigne un peu et, dans ce cas, l’attente n’aura pas été vaine. Ron Gilbert était associé sur ce projet à David Fox et Gary Winnick, deux anciens de
LucasArts également, de quoi donner de sérieux arguments pour s’intéresser à ce jeu.
Tout commence par un corps pixelisant dans la rivière...
La ville de Thimbleweed Park est une minuscule bourgade américaine, dans un monde où les transistors n’ont pas remplacé les tubes à vide (pourquoi pas ?). 80 habitants seulement vivent ici. Depuis la fermeture de la principale usine locale, une fabrique d’oreillers, les commerces de la ville périclitent les uns après les autres.
C’est dans cette ambiance déjà morose qu’un meurtre a lieu, sous un pont de chemin de fer. Deux agents du FBI sont envoyés sur place, Antonio Reyes et Angela Ray. Les joueurs comprendront vite que les investigations révéleront bien d’autres mystères dissimulés dans la ville, son hôtel angoissant, son vieux cirque abandonné, son crépuscule permanent.

Reyes et Ray croient encore à une banale affaire de meurtre, naïfs qu'ils sont !
Le club des 5 mène l’enquête
Les deux agents vont bientôt être rejoints par trois autres personnages jouables : Ransome, un clown grossier et désabusé (très inspiré de Krusty dans Les Simpsons), Dolorès Edmund, appelée à reprendre la direction de la fabrique d’oreillers mais qui a préféré suivre sa vocation de développeuse de jeux vidéo et Franklin Edmund, le père de Dolorès qui évolue sous la forme d’un fantôme. Chaque personnage est motivé par des raisons différentes. Ils possèdent tous un journal qui répertorie leurs objectifs personnels à accomplir. Le joueur peut switcher à tout moment d’un personnage à l’autre et échanger des objets, comme dans Zack McKraken et Maniac Mansion. C’est une très bonne chose car cela empêche la linéarité. Lorsque l’on bloque sur une énigme, il y a toujours quelque chose d’autre à faire avec un autre personnage et l’on avance ainsi tout au long du jeu sans jamais s’ennuyer.

Ransome le clown saura séduire par sa *BIP* de grande délicatesse
Oh my God ! Je joue à un nouveau jeu LucasArts !
Thimbleweed Park joue à fond la carte de la nostalgie. Si, fort logiquement, le jeu n’a pas l’estampille officielle LucasArts, tout dans ce jeu a le parfum des grands jeux qui ont fait la gloire du studio. Les références aux anciens jeux de Ron Gilbert sont constantes, que ce soit dans les décors, les personnages, les dialogues ou même la résolution de certaines énigmes. Les fans de la première heure seront choyés, les nouveaux venus peut-être un peu perdus. Mais qu’ils se rassurent, le jeu est très facile à prendre en main, regorge de culture geek et s’apprécie par lui-même. L’humour très particulier, caractéristique des jeux d’aventure LucasArts, est bien présent et le quatrième mur est souvent brisé. Le titre bénéficie d’une traduction intégrale en français de bonne facture qui, cependant, ne rend pas tout à fait justice à tous les jeux de mot. Dommage.
L’interface de Thimbleweed Park reprend exactement celle des jeux LucasArts tournant sous le moteur SCUMM. On retrouve la fameuse liste de verbes d’action et l’inventaire au bas de l’écran. On pourrait craindre une certaine lourdeur dans ce gameplay un peu daté, la plupart des point’n click limitant désormais leur interface à Regarder, Utiliser/Prendre et Parler. Pas de panique car les développeurs n’ont pas oublié que la modernité a aussi du bon. Ils ont emprunté à chaque époque ce qu’elle a de meilleur. Pas de déplacements lents et interminables ici. Le joueur fera bien les indispensables allers-retours propres à tous les jeux d’aventure, mais les personnages avanceront en petites foulées et il pourra accéder instantanément à toutes les rues et tous les bâtiments de la ville déjà visités, une fois qu’il aura réussi à trouver la carte des environs. Même constat pour les graphismes et musiques qui sont d’inspiration rétro mais mis au goût du jour. On pourrait regretter que le champ d’action se limite à la ville de Thimbleweed et ses environs, mais c’est le l’histoire qui veut ça et il n’y a rien à redire à cela.

Neuf verbes d'action ? Un inventaire rempli de cochonneries ? Nous sommes bien dans un jeu LucasArts !
Ni trop simple, ni énervant, la marque des bons jeux !
La difficulté est bien dosée : la résolution des casse-têtes est toujours logique et les indices présents sans être trop évidents. Deux modes de difficulté sont proposés, Casual et Complet, comme dans Monkey Island 2. Cela correspond à plus ou moins d’énigmes à résoudre. On sent que Ron Gilbert et Gary Winnick maîtrisent leur sujet et ont pris autant de plaisir à créer Thimbleweed Park que nous en avons à y jouer. Il m’a fallu un peu plus d’une dizaine d’heures pour finir le jeu en mode Complet, en buttant sur une ou deux énigmes retorses vers la fin et sans jamais aucun sentiment d’ennui. C’est une durée de vie tout à fait raisonnable pour un tel titre. Quelques lieux et quelques objets n’ont pas d’utilité réelle dans l’avancement de l’intrigue, mais constituent autant de petites friandises qui viennent agrémenter l’expérience. À la manière d’un The Elder’s Scrolls, par exemple, tous les livres de la bibliothèque de Dolorès peuvent être lus. Ils ont été rédigés par les contributeurs de Kickstarter !

19,99 € c'est un peu cher. Oui mais...