Genesis Noir est indescriptible : on peut seulement dire qu’il s’agit d’un jeu vidéo. Il s’agit peut-être même de la seule chose que l’on peut affirmer avec confiance dans notre situation. Mais, pour comprendre, voyons un peu sa genèse. À l’édition, nous avons des habitués du jeu d’aventure, à savoir
Fellow Traveller. Le studio nous a offert des titres tels que
The Church in the Darkness,
Framed ou encore plus récemment la perle
Paradise Killer. Au développement, nous avons
Feral Cat Den, un studio qui se décrit comme un collectif d’artistes rêvant de se refugier dans une grange abandonnée. À la vue des personnes aux commandes du projet, on était en droit de s’attendre à quelque chose d’intéressant... et, justement, ''intéressant'' est bien le terme parfait pour l’expérience que propose
Genesis Noir.
Carte noire
En revanche, pas ''intéressant'' dans le sens correct du terme. Comment dire… Imaginez-vous : vous vous rendez dans un quartier hype de votre ville. Vous savez, ceux qui craignaient il y a quelques années mais qui sont maintenant branchés parce que les hipsters les ont envahis et ont décidé d’en faire un centre « artistique ». Bref, vous vous rendez là-bas parce que vous êtes invité à une pièce de théâtre. Entre deux boutiques bio, un Starbucks, un barbier et une boutique de vêtements biodégradables qui puent, vous trouvez enfin le théâtre qui ressemble plus à un bunker désaffecté de la Seconde Guerre mondiale. Puis voilà la pièce, trois personnes à moitié nues qui hurlent pendant une heure en se jetant du pain au visage. À la fin, la jeune troupe vous demande votre avis. Vous savez que vous venez de vivre l’une des heures les plus longues de votre vie, que le spectacle que vous avez vu était affligeant et sans aucun sens et que le ''sous-texte'' censé être présent pour dénoncer quelque chose (mais vous ignorez quoi) était bien caché. Mais cette troupe est jeune, pleine d’espoir, elle a mis tout son cœur dans son œuvre. Alors, au lieu de dire ''c’était vraiment à chier'', vous faites preuve de diplomatie et lâchez un ''c'était intéressant''.
On ne peut pas vraiment dire que Genesis Noir est mauvais. Non, il n’est pas au niveau de cette pièce de théâtre, mais son ''intéressant'' penche de ce côté. En fait, vous incarnez No Man qui, pour sauver son amour, devra se lancer dans une aventure métaphysique pour empêcher l’univers de s‘étendre. Ah oui, l’aventure se passe avant, pendant et après le Big Bang… Nous sommes face à une balade, une espèce de jeu d’aventure hybride où l'on passe de tableau en tableau en interagissant avec des objets. Et puis on progresse et on ne sait pas trop ce qu’on fait... et ça devient très vite peu intéressant. On est parfois pris au piège du ''qu’est-ce qu’il se passe après ?'' et on voit ce qu’il se passe après, et finalement on tombe dans le ''tout ça pour ça''.
I can't dance, I can't play
Et c’est dommage, car les premières minutes nous promettent monts et merveilles. Nous voyons un univers bien maitrisé et intéressant, une musique splendide et des graphismes beaux, avec une vraie personnalité. L’atmosphère noire est juste magnifique. Et ensuite, Genesis Noir s’exprime et là c’est le drame. C’est le vide abyssal d’un titre se croyant intelligent alors qu’il est juste arrogant. Il veut faire passer un message fort, on entend presque parfois les voix du studio crier au loin ''demandez nous ce que ça veut dire !'', mais on ne leur demandera rien car en fait ça ne nous intéresse pas.
Genesis Noir souffre du même syndrome que de nombreux autres titres que l'on a pu voir récemment dans l’industrie : des jeux qui soignent leur apparence et qui ne proposent rien d’autre derrière. Un peu comme Mundaun… C’est un choix compréhensible, car le premier contact se base sur l’apparence et il faut donc une identité forte, mais par pitié ne basez pas tout que sur ça… Proposez quelque chose derrière, autre chose que ''je me balade, je clique et je plante des graines, j’observe, tiens donc une réaction…'' En fait, Genesis Noir est un jeu se basant tellement sur l’abstrait qu’il en oublie que le jeu vidéo a besoin de concret pour marcher. Il se base trop sur la symbolique et finit par en oublier les symboles.