Ah ! Rapture ! Ses fonds marins ! Ses habitants chaleureux ! Ses Big Daddys amicaux et leurs petites sœurs en bonne santé ! On a passé du bon temps là-bas dans les deux premiers opus de
BioShock. Mais il faut reconnaître qu’on commençait à être un peu claustrophobes et qu’il fallait changer d’horizon. Sur le coup, Ken Levine et
Irrational Games ont décidé de faire l’exact opposé des deux premiers opus en plaçant l’intrigue de ce
BioShock Infinite dans une ville située dans les airs nommée Columbia. Pour ceux qui auraient vécu dans une cité sous-marine coupée du monde, voici un petit topo sur le pourquoi du comment de cet opus. Vous êtes Booker DeWitt, un détective privé qui doit retrouver une fille à Columbia pour effacer une mystérieuse dette. Booker découvrira une ville menée de manière un tantinet dictatoriale et raciste par un autoproclamé prophète Zachary Comstock, une sorte de grand barbu blanc. Bien sûr, une opposition armée existe avec Vox Populi. Sous des apparences de paradis presque terrestre, Columbia renferme donc une histoire sombre. Pour ce qui est de l’intrigue, je n’en dirais pas beaucoup plus. Je rajouterais juste que la fin est énorme et que le récit ménage un petit nombre de surprises bien senties.
Ramenez-nous la fille et nous effaçons la dette
En fait, j’ai attendu le deuxième paragraphe pour vous le dire :
BioShock Infinite est une tuerie. Et, comme dans tout bon jeu de Ken Levine, cela est en partie dû à la narration. Penchons-nous du côté de la narration : un bel exemple de nouveauté dans la continuité. Comme dans les deux premiers
BioShock, vous pourrez découvrir une bonne partie de l’histoire par le biais d’enregistrements, ici nommés voxophones, disséminés dans la ville. Ils font partie des « missions secondaires » mais il serait dommage de passer à côté puisque l’on découvre une vision plus globale et, en même temps, plus intime de Columbia. Dans la même veine, il y a aussi des kinétoscopes qui reviennent sur toute l’histoire de Columbia en mode film muet.
Elizabeth a les yeux bleus
Cependant, cette fois, vous n’êtes pas un héros qui communique avec les autres protagonistes seulement par le biais d'une radio. Columbia, contrairement à Rapture, est une ville encore « vivante ». Quand Booker arrive en ville, une foire a lieu et les habitants vaquent à leurs occupations. Bon, vu que le brave gars n’est pas là pour faire la fête, il va vite chambouler tout ça. Et lors de son aventure, il va rencontrer de multiples personnages. En premier lieu, il va rencontrer la fameuse fille nommée Elizabeth. Aaaah Elizabeth ! Une leçon sur ce que doit être un PNJ réussi. Même si l’appellation PNJ est presque une insulte tellement c’est un personnage réussi et crédible. On reviendra plus bas sur son apport en termes de gameplay. On va se centrer ici sur la relation centrale entre Booker et Elizabeth. Au fur et à mesure que Booker s’attache à la jeune fille, il en est de même pour le joueur. Elle devient une sorte d’amie et partenaire indispensable. D’autant plus qu’au fil de l’aventure elle dépasse largement le statut de demoiselle en détresse. D’ailleurs, elle est très expressive afin de s’attacher encore plus à elle. Bref, elle est géniale. Les deux héros vivent d’ailleurs une sorte d’épopée personnelle : vers l’émancipation pour Elizabeth et vers l’expiation pour Booker. Encore un moyen de renforcer leur lien. Booker est d’ailleurs charismatique à souhait mais il a une histoire complexe tout aussi passionnante que celle d’Elizabeth. On notera enfin que le doublage français est de qualité. Ce qui est le minimum pour un jeu centré sur les personnages.
Le ciel, les oiseaux et Booker
Mais il n’y a pas qu’Elizabeth. On citera Daisy Fitzroy, Comstock, Fink… Mais comment ne pas citer Rosalind et Robert Lutece, deux personnages mystérieux et importants mais qui sauront vous décrocher quelques sourires à plusieurs moments du jeu. Le fait d’avoir des contacts directs avec les habitants fait qu’on est plus impliqué encore dans l’histoire de Columbia. La vue FPS chère à la série renforce cet aspect. Le jeu se permet ainsi d’aborder des thèmes variés et de fort belle manière comme le racisme, la religion, les choix que l’on fait ou bien la manière dont on aborde les souvenirs… Ce ne sont que quelques exemples, histoire de ne pas vous spoiler. On notera aussi que les failles qu’ouvre Elizabeth sont astucieusement incluses dans la narration mais on ne vous en dira pas plus. Cette fois, en revanche, les choix moraux sont moins au centre du jeu. Vous en croiserez quelques-uns (comme devoir frapper un couple interracial ou pas) mais ils n’ont pas d’influence majeure sur l’histoire et sur la fin. Cela pourrait être regrettable mais l’histoire est tellement maitrisée que c’est un mal pour un bien. Le jeu est donc linéaire mais les différents niveaux sont un peu ouverts et vous pourrez les explorer pour trouver les voxophones, les Kinetoscopes, des munitions, de l’argent… Vous trouverez même des codes de la Vox Populi pour révéler des caches de munitions. On retrouve également des coffres forts. A Columbia, il n’y a pas de piratage comme à Rapture alors ce sera Elizabeth qui se chargera de les crocheter pour vous. Il faudra trouver le nombre de crochets adéquats pour les ouvrir. Certaines portes seront aussi bloquées par une serrure qu’Elizabeth délogera de la même manière. Bref, il y a quelques à côté, histoire de prolonger efficacement le jeu et son histoire. Il devrait vous prendre une douzaine d’heures pour le finir sans trop vadrouiller et une quinzaine d’heures si vous prenez votre temps. Une durée de vie honorable.
Columbia, la Venise du ciel ?
On va quand même parler de la claque visuelle que nous envoie le jeu. On parle en termes de direction artistique car d’un point de vue technique, on sent que l’Unreal Engine 3 commence à accuser son âge. Dès qu’on s’approche, on voit que les textures sont un peu limites, que les contours sont un peu coupés au hachoir ou que les animations faciales des personnages (hormis Elizabeth) sont un peu figées. C’est un défaut, certes, mais largement contré par la direction artistique monstrueuse. Columbia est belle. Les tons pastels nous émerveillent. Lors de la première heure du jeu, pauvre en action, on est bouche bée devant cette ville pas comme les autres. Les immeubles flottent dans tous les sens, des cargos circulent sur les rails, des dirigeables volent au loin. On ne peut que saluer le travail fourni par
Irrational. On est loin de l’ambiance claustrophobe de Rapture mais tant mieux, le changement fait du bien. Cela dit, même si le jeu est plus orienté action (voire plus bas), on se retrouve quelques fois avec des ambiances similaires au premier
BioShock dès qu’on s’enfonce dans les bâtiments. Cette nouvelle ambiance est d’ailleurs soutenue par une bande-son de qualité.
Un BioShock tonique
Le point fort de
BioShock a toujours été de livrer un vrai mix d’art pur et dur et de divertissement. Est-il toujours nécessaire de souligner l’évidence ? C’est encore le cas ici. Peut-être même encore plus que pour les opus précédents. En plus de nous raconter une histoire riche dans un univers visuel absolument splendide,
BioShock Infinite est aussi un excellent FPS. Cette fois, le jeu est clairement plus orienté action. Vous aurez donc droit à pas mal de fusillades endiablées. On retrouve la base des précédents opus : un flingue dans la main, un pouvoir surnaturel nommé tonique (l’équivalent des plasmides) dans l’autre. Vous pouvez vous servir des deux à la fois comme dans
BioShock 2. Les toniques sont légèrement différentes des plasmides mais reprennent les mêmes recettes : vous pouvez jeter du feu, électrocuter vos ennemis… Elles sont fun mais un peu de nouveauté aurait été bienvenue. Il est également possible d’améliorer les armes (taille du chargeur, cadence…) et les toniques (effet plus long, zone de dégâts plus grande…). Ici, pour obtenir les améliorations de toniques, plus besoin d’Adam, tout se passe par le biais de l’argent local. D’ailleurs, il n’y a pas d’Eve non plus mais un équivalent : les cristaux. On en trouve un peu partout. Les cristaux consommés dépendent ensuite des toniques. La possession d'objet en consommera plus que la tonique électrique par exemple. Chaque tonique a deux versions : une où il faut appuyer longtemps sur la touche/bouton dédié et l'autre où il faut appuyer normalement. La première permettra de poser des pièges, la deuxième est la tonique de base. Ainsi armé, vous devrez alors faire face à des hordes d’ennemis qui ne sont pas fous mais qui ne sont pas moins déterminés à vous tuer. Des ennemis allant du soldat de base en allant au Handy-man (une sorte d’homme augmenté mécaniquement) en passant par des pyromanes (soldat doté d’une tonique enflammée) ou des patriotes (robots armés d’une bonne grosse sulfateuse). Bref, du gameplay à la
BioShock comme on l’aime.
Viens, on va se faire un rail
Mais, comme pour ce qui est du scénario,
Irrational Games veut nous faire sentir à la maison mais pas trop quand même. On a donc de bons ajouts qui viennent dynamiser les combats. Parlons d’Elizabeth, une alliée précieuse et qui se débrouille toute seule lors des combats. Elle vous lancera des munitions, de la vie ou des cristaux selon ce qu’elle trouve. Un ajout bien pratique qui, loin de faciliter les combats, participe au dynamisme. Elle vous aidera d’ailleurs à voir plus clair sur le champ de bataille en vous indiquant l’arrivée d’éléments perturbateurs comme les satanés patriotes. Le fait d’avoir une personne qui nous crie cela en combat est pratique et renforce aussi l’immersion. L’agneau de Columbia, comme l’appelle Comstock, peut aussi ouvrir des failles. Elle pourra faire apparaître des abris, des réserves de munitions, de santé, de cristaux ou des points d’accroche pour le grappe-ciel pour prendre de la hauteur. Encore un ajout bienheureux qui permet d’aborder la stratégie des combats d’une manière nouvelle. Le jeu vous pousse vraiment à bouger dans tous les sens dans des arènes qui sont souvent très ouvertes. Qui plus est, vous n’avez que deux armes, vous êtes donc invités à en changer régulièrement ou à chercher des munitions. Et le dernier gros ajout qui va dans ce sens est mortel : l’aerotram.
Booker est donc équipé d’un grappe-ciel (ou Skyhook pour les puristes) pour pouvoir circuler sur les rails aériens qu’on trouve un peu partout dans la ville. Bon, déjà, c’est ultra fun et classe à pratiquer. Ensuite, cela permet vraiment de circuler comme bon vous semble sur les maps pour aller chercher ce dont vous avez besoin. Et cela donne lieu à des affrontements aériens réussis. Le tout est simple d’utilisation. Il suffit de sauter vers un rail pour être accroché (explication ingame : c’est aimanté) et un système de lock permet de zigouiller les cibles en étant dans les airs. Ce n’est pas un gimmick mais un vrai ajout qui renouvelle encore plus notre approche du combat. Dans un autre domaine, on regrettera l’absence de piratage pour les tourelles. C’était une technique bien pratique. Ici, il faut se contenter de les posséder et l’effet est temporaire donc au final il vaut mieux les détruire. Ce qui n’est pas toujours une sinécure. D’un point de vue général, le jeu propose un bon challenge en mode difficile. Bien sûr, une fois mort, on respawne comme avec les vitachambres mais cela ne facilite pas nécessairement le jeu.