Nous n'allons pas tourner autour du pot : par bien des aspects,
Life is Strange évoque fortement les productions suscitées. Mais l'équipe de
Dontnod a fait l'effort de développer un univers original, là où
Telltale Games se contente d'adaptations depuis un certain temps déjà. Si c'est plus risqué, cela reste un bon point.
Le jeu met donc le joueur dans la peau de Max Caulfield, une photographe en herbe revenue à Arcadia Bay, sa ville natale, pour ses études. Là-bas, elle retrouvera Chloé, son amie d'enfance, et se découvrira un don pour le moins pratique, celui de remonter dans le temps. Ensemble, les deux jeunes femmes sont bien décidées à utiliser ce don pour retrouver Rachel, une amie proche de Chloé, portée disparue. Tout le monde pense qu'il s'agit d'une simple fugue, à l'exception de Chloé.
Life is Beautiful
La première chose qui frappe, comme souvent d'ailleurs, c'est la réalisation technique du titre. Et ici, on n'est pas déçu. Certes, le jeu est loin d'être une démonstration technique. Il ne mettra pas vos
PS4 et
Xbox One à genoux. Certaines animations font même peine à voir sur des machines aussi puissantes. Mais les artistes de
Dontnod ont fait un travail fabuleux pour compenser cela. Le jeu adopte une esthétique cartoon, beaucoup plus douce que celle adoptée par
Telltale en général, pas de gros contours noir ici, ni de visages anguleux. Le jeu de
Dontnod se veut plus léger, plus aérien même, adoptant une palette de couleurs vives et chaleureuses. Les éclairages, de leur côté, contribuent à donner au jeu son ambiance feutrée.
La bande-son n'est pas en reste non plus, avec ces morceaux folk qui émaillent l'aventure. Si certains seront reconnaissables pour les initiés, d'autres ont été composés spécialement pour le jeu.
Life is Strange
Mais il n'y a pas que l'image qui soit réussie dans ce jeu, la mise en scène l'est également. Ce premier épisode débutant dans une université, on retrouve tous les codes du cinéma américain pour dépeindre ce genre de lieu. Le plan présentant le couloir au moment où l'on sort de classe est un modèle du genre, avec les étudiants et les professeurs vacants à leurs occupations. Vous reconnaîtrez tous les profils que l'on voit habituellement dans ce genre de production. C'est d'ailleurs l'une des choses qui peuvent être reprochées à
Life is Strange : sa tendance à donner dans le cliché. Par cet aspect, le jeu rappelle un peu
Buffy contre les Vampires. Mais là où la génialissime série de Joss Whedon les tourne en dérision, on sent davantage ici la volonté de rendre un hommage. Il est inévitable que certains joueurs auront du mal à passer outre cette impression de déjà-vu.
D'ailleurs, d'autres références nous viennent régulièrement en tête lors de ce premier épisode. Mais la plus présente est sans conteste
Twin Peaks, la série de David Lynch sortie au début des années 90, et qui a révolutionné la série télé aux États-Unis. On retrouve ici les même prédispositions à partir dans l'étrange, l'onirique, et la poésie (dans une moindre mesure pour ce dernier). Mais surtout, tout comme dans
Twin Peaks à l'époque, on sent bien que sous ses petits airs de petite bourgade parfaite, Arcadia Bay cache de lourds secrets.
Life is on rewind
Mais parlons un peu gameplay maintenant. La première chose à savoir c'est que, comme pour les productions de
Telltale, l'histoire prime ici sur le reste. Les phases de gameplay se limitent donc à de la marche, quelques puzzles à résoudre, et des dialogues, la plupart impliquant des choix. Mais nous reviendront plus tard sur ces derniers, pour d'abord revenir sur la particularité de
Life is Strange : la possibilité de remonter le temps. En effet, dès le début du jeu, Max se découvre cette capacité, qui ouvre bien des portes aux joueurs. Mais pas question de vous laisser faire n'importe quoi non plus. Si vous pouvez revenir en arrière à tout moment, l'utilisation de ce pouvoir est tout de même soumise à des règles.
Tout d'abord, lorsque vous en usez, tout le monde remonte le temps, sauf Max. Cela a son importance dans le sens où elle garde sa position dans l'espace, son inventaire, et toutes les connaissances qu'elle a acquises durant la période rembobinée. En fait, c'est exactement cela. Dans
Life is Strange, remonter le temps, c'est comme rembobiner une VHS (en espérant que vous soyez assez vieux pour comprendre de quoi je parle ici). Cet aspect du pouvoir permet, de la sorte, d'ouvrir de nouveaux choix de dialogue et de nouvelles possibilités dans la résolutions des énigmes.
La seconde contrainte se situe au niveau de la durée que vous pouvez rembobiner. Bien qu'étant assez large, la période sur laquelle Max peut « revenir » est limitée. Cependant, vous avez suffisamment de marge pour que cela ne vous gêne pas, dans ce premier épisode en tout cas. Enfin, il faut savoir que lorsque vous arrivez dans une zone, il vous sera, la plupart du temps, impossible de remonter le temps au-delà de votre entrée dans celle-ci. Il faudra donc être sûr de votre coup avant de quitter une zone.
Life is about choices
Mais quel est l'intérêt de devoir faire des choix si on peut revenir dessus à tout moment ? Voilà une question qui mérite d'être posée. Et la réponse est pour le moins simple, et même évidente quand on y repense. Si remonter le temps vous permet de voir les conséquences de vos choix avant de vous décider, cette faculté ne vous permet de voir que les conséquences immédiates. Hors, un choix anodin et sans conséquences néfastes fait aujourd'hui peut avoir des répercussions dramatiques demain ou après demain. Les allemands en ont eu un « bel » exemple en 1934. Et même s'il y a peu de chances qu'un choix fait dans le jeu débouche sur une guerre mondiale, c'est un peu le même principe dans
Life is Strange.
Partant de ce postulat, nous nous sommes surpris, durant ce premier épisode, à nous prendre la tête pour essayer d'anticiper les conséquences futures de telle ou telle autre action de notre part. Et même si certains choix semblent couler de source, il est impossible d'être totalement sûr d'avoir pris la bonne décision sur le long terme. Et c'est bien là la preuve que les gars de
Dontnod ont réussi leur coup à ce niveau-là. Ou la première partie tout du moins, car il faudra que les conséquences de ces choix se montrent à la hauteur dans les prochains épisodes. Mais nous ne sommes pas inquiets de ce côté là, l'aperçu que nous avons eu dans cet épisode étant encourageant.
Life is a bitch
Mais tout n'est pas parfait dans ce premier volet des aventures de Max et Chloé. A commencer par certaines maladresses d'écriture, comme lors de la première séquence de jeu, où les développeurs se sont sentis obligés de faire parler leur héroïne, alors que la scène aurait été plus forte et plus intense sans un mot de sa part. En effet, le son de la nature qui se déchaîne suffit à nous faire comprendre que la situation est grave. Et les attitudes et expressions de Max font le reste du travail. Les répliques de la jeune fille sont, dans ce cas là, inutiles et alourdissent la scène.
Ensuite, le jeu nous donne l'occasion de communiquer via SMS avec certains personnages. Mais malheureusement, ces échanges sont entièrement automatisés. Ces conversations sont anodines, certes, mais il aurait été agréable, et surtout logique, qu'elles aient eu droit au même traitement que celles qui se font en face-à-face.
Enfin, on termine ce tour d'horizon des petits défauts du jeu en signalant la présence de légers ralentissements ça et là. En fait, ils se font sentir à chaque entrée dans une nouvelle zone, durant une demi-seconde. Ce n'est pas bien gênant, mais c'est bien là.