La guerre, ça ne manque pas dans le jeu vidéo : fictive ou historique, passée ou future, contre les méchants communistes ou les méchants terroristes... Il y en a pour tous les goûts, même si la plupart des titres mettent toujours le joueur dans la peau d'un super soldat, qui ne s'occupe que de zigouiller ceux que ses supérieurs lui demandent, sans se poser de questions sur les conséquences. Très peu de softs tentent une nouvelle vision de la chose, mais ceux-là méritent souvent le coup, à l'image de
Soldats Inconnus : Mémoires de la Grande Guerre ou de
Spec Ops : The Line.
This War of Mine fait partie de ceux-là puisqu'il met le joueur dans la peau d'un groupe de civils dont le seul but est de survivre. Le tout se passe dans une ville fictive ravagée par la guerre : les bombardements ont détruit bon nombre de bâtiments et il est dangereux de sortir pendant la journée, les snipers n'hésitant pas à canarder tout ce qui bouge. Notre groupe de survivants, entre deux et quatre piochés au hasard dans une petite base de données, ont heureusement trouvé refuge dans une maison en à peu près bon état, dotée d'une chaise, d'une boîte à pharmacie et d'un frigo encore fonctionnel. Tout le reste, il va falloir le fabriquer.
Dans l'horreur de la guerre
This War of Mine ne propose pas de tutoriel, mais si vous avez déjà passé du temps sur des jeux de survie, comme par exemple
Don't Starve, vos réflexes reviendront vite. Et lorsque l'on comprend que le titre divise son temps en deux phases distinctes, le jour et le nuit, qui passent assez rapidement, on en déduit qu'il ne faut pas perdre une seconde. Alors avant tout autre chose, on explore la bâtisse, on dégage les gravats, on ouvre les portes coincées et on récupère les quelques matériaux présents sur place. Des matériaux fort utiles pour construire des objets de première nécessité : un lit, une chaise ou encore une pelle. Autant d'éléments qui ont pour but de rendre la vie un peu moins difficile pour les survivants. Mais il n'y a évidemment pas assez pour tenir bien longtemps, c'est pourquoi il est indispensable de sortir pendant la nuit pour aller piller les endroits alentours (il y a bien un vendeur qui passe de temps à autre pour faire du troc, mais la moindre chose coûte un rein). A la fin de chaque journée, le joueur doit en effet choisir ce que fera chacun de ses protégés pendant la nuit : dormir, dormir dans un lit (s'il y en a un), monter la garder (indispensable pour faire baisser le risque de pillage) ou aller ''collecter''.

Il n'est possible d'envoyer qu'une seule personne par nuit et le collecteur ne peut visiter qu'un seul endroit à chaque fois. Il s'agit donc de bien choisir en fonction des besoins immédiats puisqu'il est indiqué ce qui peut être récupéré : ici, beaucoup de médicaments; là, pas mal de nourriture; là encore, les matériaux côtoient les armes. Attention toutefois, car les survivants du joueur ne sont pas les seuls. D'autres civils tentent aussi de survivre et, si certains sont amicaux et proposent des échanges, d'autres sont bien moins sympathiques et n'hésiteront pas à faire feu si l'envie nous prend de trop traîner sur place. Il n'est évidemment pas recommandé de tenter la manière forte, et ce même si le collecteur possède une arme et des munitions. La manière furtive est à privilégier : regarder par le trou d'une serrure pour voir ce qui se trouve derrière (car le champ de vision est bien entendu restreint, même si de petits cercles apparaissent dans la pénombre pour indiquer une présence), ne pas hésiter à faire un détour si un garde est en poste, etc. L'autre élément à prendre en compte est la taille du sac à dos, qui ne permet malheureusement pas de tout embarquer. Il faut alors faire des choix et laisser le moins important derrière, quitte à revenir la nuit d'après. Attention toutefois à garder un œil sur l'horloge car le collecteur risque fort de devenir la cible des snipers s'il ne rentre pas avant le petit matin au refuge...

Survivre à tout prix
Tous les matins, justement, le joueur a droit à un rapide résumé de ce qu'il s'est passé pendant la nuit. Dans le meilleur des cas, il ne s'est rien passé. Malheureusement, toutes les nuits ne peuvent pas être aussi idylliques. Il n'est par exemple pas rare de se faire piller, et ce même si l'on avait désigné au préalable un survivant pour monter la garde. Avec un peu de chance, celui-ci était armé : il a donc pu mettre les pillards en fuite sans trop d'encombres. Si ce n'est pas le cas hé bien... Non seulement le joueur peut perdre du matériel important, comme par exemple de la nourriture, mais ses protégés peuvent avoir été blessés dans l'altercation. Et l'apparition de blessures, même légères, est à prendre immédiatement au sérieux car elles empirent petit à petit et entraînent, à terme, la mort du personnage. Il s'agit donc de lui fournir des bandages afin qu'il puisse guérir rapidement. Ce qui est d'ailleurs également vrai si les survivants commencent à tomber malade : il faut réagir en leur faisant prendre autant de médicaments que nécessaire. Des personnages blessés ou malades peuvent d'ailleurs pourrir la vie des autres survivants pendant la nuit, en délirant à cause de la fièvre ou tentant d'attaquer les autres.

Tout changement de statut d'un personnage a sa solution : qu'il soit malade, déprimé ou affamé, il est toujours possible de faire quelque chose. Car oui, les survivants de
This War of Mine peuvent tout à fait tomber dans la dépression et ce pour des raisons variées puisque chacun a son propre caractère (tout comme des capacités utiles à la survie : bon cuisinier, bon bricoleur, etc). L'un d'entre eux pourra, par exemple, se sentir mal après avoir pillé une maison tranquille habitée par deux petits vieux, dont l'un est malade. Un autre pourra s'en vouloir d'avoir tué quelqu'un pour pouvoir collecter tranquillement, à tel point qu'il finira par se suicider si le joueur ne réagit pas. Plusieurs possibilités s'offrent alors à lui : il peut ainsi demander à un autre d'aller lui parler, histoire de lui remonter le moral, ou trouver l'élément qui redonnera du baume au cœur du déprimé, sachant que chacun a ses préférences (café, cigarettes, livres...) et qu'elles ne sont pas forcément indiquées dans leurs biographies. Ces dernières se mettent néanmoins assez souvent à jour, histoire que toutes les facettes de la personnalité des survivants ne tombent pas dans l'oubli.

Bambino, bambino...
Comme dit précédemment, cette version console rajoute des enfants à une équation déjà complexe, d'où le nom rajouté de
The Little Ones. Malheureusement, ces chers bambins ne changent finalement pas grand-chose. Pire : ils trouvent le moyen de rendre le jeu, déjà pas forcément facile, encore plus complexe. Déjà, ils ne servent à rien. Il est bien entendu hors de question de les envoyer collecter la nuit et il n'est même pas possible d'utiliser leurs petites bouilles pour attendrir le ''commerçant'' venant parfois faire du troc, histoire de faire baisser les prix. Ils peuvent fabriquer des objets pas bien complexes et cuisiner des recettes faciles, mais à condition de leur avoir appris au préalable. Et pour le reste hé bien... Ils passent leur temps à courir après l'adulte qui s'occupe d'eux, pour jouer ou dessiner. Bien entendu, ils n'échappent pas à l'horreur de la guerre, puisqu'ils peuvent aussi avoir très faim ou déprimer, mais contrairement aux ''grandes personnes'', il leur reste toujours un peu d'optimisme. Dommage de ne pas avoir poussé la chose plus loin, leur donner un côté plus utile aurait pu réellement rajouter un plus au gameplay. Précisons tout de même que les enfants ne peuvent pas mourir : s'ils sont trop déprimés ou mal en point, ils fuiront le refuge avec leur tuteur ou seront récupérés par une association humanitaire.

Vous l'avez sûrement compris :
This War of Mine mise gros sur son ambiance. Si son gameplay est soigné, son atmosphère l'est encore plus. Il ne faut pas longtemps avant que le joueur ne comprenne que la partie va être déprimante et la réalisation joue pour beaucoup. L'ambiance sonore, par exemple, est minimaliste et contribue à rendre le tout pesant. Mais ce qui joue le plus est clairement le visuel. Les développeurs de chez
11 Bit Studios ont opté pour des graphismes en 2D vue de côté, avec quasiment aucune couleur : le gris est dominant et n'est perturbé que par de petites touches de couleurs, comme par exemple le rouge si une présence hostile se fait sentir. L'atmosphère de la guerre est omniprésent, que ce soit au niveau des bâtiments, à moitié en ruine à cause des bombardements, ou des personnages, qui ne cesseront de se plaindre qu'ils ont faim, qu'ils sont au bout du rouleau, qu'ils songent à en finir ou qu'ils craignent de basculer du mauvais côté de la force, en tuant ou volant à des personnes sans défense. Et mine de rien, ça fait mouche : on s'attache vite à ces simples civils qui se battent pour survivre, on est peiné lorsque l'un d'entre eux est mal en point, et ainsi de suite. Mais là où
This War of Mine fait fort, c'est qu'il réussit à nous faire nous questionner sur nos choix : ai-je bien fait de tuer cet homme pour deux boites de médicaments, sachant qu'il laisse derrière lui une famille ? Devrais-je vraiment balancer mes voisins à l'armée, juste pour tenter de survivre quelques jours de plus ? Des questions que l'on se poserait aussi certainement si l'on se trouvait réellement en temps de guerre...